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L’inter-signifiance supplée à l’intersubjectivité

Le terme d’inter-signifiance a été forgé par Lacan qui l’a substitué au terme d’intersubjectivité. En effet, puisque les relations entre sujets se déroulent par l’intermédiaire des représentants que sont les signifiants dans le langage, il apparaît plus adéquat de parler d’inter-signifiance(ellipse de langage pour dire « interaction entre signifiants ») plutôt que d’intersubjectivité.

Relation du sujet au langage

Mais surtout, la notion d’inter-signifiance apporte un intérêt et une richesse qui vont bien au-delà de simplement suppléer à l’intersubjectivité. Littéralement, l’inter-signifiance désigne la relation d’un signifiant (représentant un sujet) à un autre signifiant (représentant peut-être un autre sujet, ou peut-être le même sujet) — donc elle dénote de façon générique le rapport d’un sujet (représenté par des signifiants) avec l’ensemble des signifiants, c’est-à-dire le rapport de la pensée du sujet avec le langage dans sa totalité. C’est cette acception de l’inter-signifiance — la relation du sujet au langage — qui prévaut pour décrire le rôle « social » de la demande dans le graphe du désir de Lacan.

Le langage est la cause de l’inter-signifiance : en effet, la structure est toujours nécessaire pour l’établissement des relations entre signifiants. Dans le cas de l’interaction entre sujets, cela signifie que divers modes de relations correspondent à différents types de structures que l’on peut répertorier en tant que diverses formes de lien social — c’est-à-dire de « discours » selon la terminologie lacanienne.

Ex-sistence

Afin d’insister sur le fait que le sujet humain est dépendant des signifiants qui le représentent, Lacan emploie l’écriture « le sujet ex-siste ». L’ex-sistence du sujet se passe en dehors (ex-), dans l’inter-signifiance ; mais en même temps, « n’étant que représenté, le sujet n’est pas là ». Comme les signifiants sont immortels, on peut parler d’un sujet avant sa naissance ou après sa mort — donc au-delà de l’intervalle de sa vie —, en utilisant les signifiants qui le représentent dans des chaînes signifiantes.

L’inter-signifiance désigne la relation d’un signifiant (représentant un sujet) à un autre signifiant (représentant peut-être un autre sujet, ou peut-être le même sujet)

Interaction entre signifiants

Références

Séminaire 12 : [séance du 02/12/1964] S’il est vrai que la relation du signifiant soit essentiellement au signifiant, que le signifiant comme tel, en tant qu’il se distingue du signe, ne signifie que pour un autre signifiant, et ne signifie jamais rien d’autre que le sujet […] il y a un ordre de référence du signifiant […] qui est un autre signifiant. C’est ce qui le définit essentiellement.

Séminaire 18 : [séance du 13/01/1971] « Intersubjectivité » écrivais-je alors [dans Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse] et Dieu sait à quelles fausses traces l’énoncé de termes tels que celui-là peut donner occasion […] « Inter » certes en effet, c’est ce que seule la suite m’a permis d’énoncer d’une inter-signifiance, « subjectivité » de sa conséquence, le signifiant étant ce qui représente le sujet pour un autre signifiant où le sujet n’est pas. C’est bien en cela que, pour ce que là où il est représenté il est absent, que représenté tout de même il se trouve ainsi divisé.

Séminaire 6 : [séance du 27/05/1959] […] la subsistance de quelque chose d’absolument spéculaire indépendamment de tout support subjectif […] repose sur le fait qu’un montage structuré, comme celui d’une chaîne signifiante, peut être supposé durer au-delà de toute subjectivité des supports.


Inter-signifiance et intersubjectivité

L’amour, la jalousie, le pouvoir, l’agressivité, la morale, la haine, la perversion, etc. — énumération non exhaustive et dans le désordre — désignent des relations dites « intersubjectives ». Elles sont vécues et décrites en tant que telles par les sujets humains qui continuent à voir leurs relations concrètes avec les autres sujets à la façon de l’intersubjectivité, sans se porter au niveau abstrait de l’inter-signifiance. Par contre, pour modéliser ces relations et les comprendre — en adoptant de ce fait l’objectif de la psychologie sociale —, il faut se placer sur le plan de l’inter-signifiance et prendre en compte l’ex-sistence des sujets, c’est-à-dire considérer ces relations comme se déroulant entre des signifiants représentant des sujets.

Prenons pour exemple une relation qui se soumet à un protocole spécifique : la séance de psychanalyse entre un patient (l’analysant) et un analyste. Cette relation est délibérément asymétrique : d’une part elle évite le face-à-face donc la mise en présence physique des corps, et d’autre part le patient parle alors que l’analyste en général se tait. En tant que mise en scène pour échapper intentionnellement à trop d’intersubjectivité, le cérémonial de la séance de psychanalyse accentue explicitement la relation d’inter-signifiance, mais il ne la crée pas, elle est déjà là de toute façon.

L’inter-signifiance est structurelle. Elle supplée à l’intersubjectivité, car les relations entre les sujets humains s’accomplissent « par l’intermédiaire du système des signifiants », c’est-à-dire relativement au champ du langage et non par rapport à un partenaire « petit autre ».

Alors que l’intersubjectivité de la psychologie provient d’une relation duelle de connivence ou d’affrontement, l’inter-signifiance institue une relation ternaire dans laquelle le langage et ses mécanismes sont toujours présents entre les signifiants, donc aussi entre les sujets — de même que le langage détient le rôle central de l’opérateur lors de la division signifiante (voir la perspective ternaire).

La présence permanente du langage dans l’inter-signifiance est l’inconscient.

L’inter-signifiance supplée à l’intersubjectivité

L’inter-signifiance supplée à l’intersubjectivité

Références

Séminaire 6 : [séance du 26/11/1958] Ce qui caractérise la demande, ce n’est pas seulement que c’est un rapport de sujet à un autre sujet, c’est que ce rapport se fait par l’intermédiaire du langage, c’est-à-dire par l’intermédiaire du système des signifiants.

Séminaire 9 : [séance du 21/03/1962] […] un champ de signifiant, champ de connotation de la présence et de l’absence, et où l’objet n’est plus objet de subsistance, mais d’ex-sistence […] ce pourquoi il faut que le sujet soit représenté [c’est-à-dire dans l’inter-signifiance].

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